Le MAS des Terres Rouges

La vie du dernier mécanisme de Clermont l'Hérault. 

Toute vie commence par une naissance et un temps de gestation, qui débute le :

  •  18 Février 1893 "Le Conseil, vu l'état de vétusté de l'horloge actuelle qui date de 1812 presque entièrement détraquée depuis longtemps, dont le remplacement est réclamé de tout le public clermontais. Délibère qu'il y a lieu de faire droit au vœu de la population "... (le secrétaire ne manque pas d'humour)

  •  12 Mars 1893, instructive, une lettre de l'architecte, accompagnée d'un devis et d'un plan signale : " le projet comprendrait la démolition du mur faisant face à la Coutellerie pour pouvoir établir un cadran pareil à celui situé du côté du Planol. Ce cadran, n'a jamais été exécuté. Le plan nous donne les dimensions exigues du local  2 m 21 x 1 m 58 - épaisseur mur derrière le cadran 98 cm.

  •  20 Juin 1893 Devis proposé par Henri Bélanger, Henri était le grand' père des propriétaires de l'actuelle horlogerie bijouterie Thierry Bellanger, installée rue Doyen René Gosse à Clermont l'Hérault.

  •  24 Juillet 1893 La délibération extraordinaire du conseil municipal. 18 Février / 24 Juillet = 5 mois (architecte, financement, accords préfectoraux et commande). Très rondement mené.

  •  La facture de cette fourniture, 1100 francs datée du 30 Mai 1895. En l'absence d'une "réception de travaux", on peut estimer que cette horloge a été mise en essais fin 1894 / début 1895.

Aussitôt née aussitôt au Travail :

1er travail : Faire tourner les 2 aiguilles sur le cadran.

            Archives communales : Le 18 Avril 1932, un "Traité de gré à gré" avec Jean Kincher  horloger de Montpellier porte, entre autres, sur la "Construction et fourniture d'un grand cadran de 1 mètre 20 de diamètre, chiffrage et aiguilles neuves très lisibles, en aluminium, cadran transparent pour être éclairé la nuit. C'est certainement ce cadran de 1932 que nous voyons encore aujourd'hui.

2ème Travail faire résonner la cloche : Et cela, allègrement 336 fois par jour (1 à 12 = 78 pour 12 heures, pour 24 heures 156 pour les heures, 156 pour la répétition, 24 pour les 1/2).

Et cette frappe ne se fait pas sur n'importe quelle cloche : … "d'époque gothique (XVème siècle), sauvegardée en 1792, (il est dit : il en reste une au clocher, plus celle de l'horloge, les autres à la fonte), classée maintenant monument historique.  Une évidence, le XV° commence en 1400, date d'achèvement des tours de guet. Je crois donc que nous avons toujours, sur l'ancienne tour de guet devenue tour de l'horloge, la cloche posée d'origine il y a quelques 600 ans.

        Aiguilles et sonnerie ont besoin de force motrice : Descente des contrepoids : Le poids mouvement de 45 kg descend de 1 mètre 11 par jour, soit 7 m 77 par semaine.

        Le poids sonnerie de 260 kg descend de 2 cm par coup, donc 6 m 72 pour les 336 coups / jour et 47 m 04 par semaine. Comme le puits ne mesure qu'environ 10 m, on a interposé un palan à 6 brins qui divise cette descente par 6, soit 7m 84, à comparer avec les 7m77 du mouvement. Equilibré.

Remontage des poids:

Mouvement : Pour les 7m77 déroulés par semaine, en prise directe, c'est 20 tours de manivelle.

Sonnerie : Le Ø du barillet est de 10 cm. Nous avons, enroulées dessus, plusieurs rangées de câble en acier de 8 mm. Supposons un Ø moyen d'enroulement de 13 cm 1/2 soit 42 cm 4 par tour. Pour nos 47 m par semaine, il faut 111 tr du barillet. Mais nous sommes démultiplié, il faut 3,6 tr de manivelle pour 1 tr du barillet, pour 111 tr il faudra 399 tr de manivelle. Le préposé à l'entretien de cette horloge devait avoir de bonnes jambes pour les 149 marches … et de bons biceps. Travail pénible, répété chaque semaine, sans volontaire, vu le modernisme actuel on écrit vite le mot fin.

La Fin

C'est un moto-réducteur électrique pour remplacer notre horloge, et une armoire pour commander la sonnerie, transformation réalisée pour 30.000 Fr par les Ets Bodet (spécialiste en pendules électriques),  le 06 Juillet 1987, mettant hors-jeu notre horloge après 93 années de bons et loyaux services.

Naissance, fin, mais aussi  Renaissance le 10 Novembre 2001, 14 ans et quelques, après son arrêt.

A l'origine, cette pendule a été montée en pièces détachées par l'escalier en colimaçon et assemblée dans son local en haut du clocher. En sens inverse, le démontage est obligatoire pour redescendre des morceaux d'un poids acceptable. Pour la petite histoire, en 3 heures, c'est 550 kg de matériel démonté et descendu par Albert Sospédra, Emile Rey et Lucien Josien, avec pour chacun de nombreuses montées et descentes "à pleine charge" des fameuses 149 marches usées.

Travail à l'atelier

Le "Traité de gré à gré" du 18 Avril 1932 avec Jean Kincher (déjà cité pour le cadran) comportait aussi : Démontage complet de l'horloge, la descendre du clocher, faire bouillir toutes les pièces pour les nettoyer, remontage de l'horloge mise à neuf et réglage rigoureux de moins d'une minute de variation par semaine. J'ai fait exactement la même chose, mais je n'ai pas fait bouillir les pièces.

            Le souci primordial dans ce travail est de ne pas égarer ou mélanger les pièces. A l'inverse du constructeur, aucun plan de détail ou d'assemblage n'existe, donc photos, croquis et notes (à prendre sans modération).

            Le nettoyage des pièces, fastidieux et rebutant, est indispensable au bon fonctionnement. Quel plaisir aussi de leur redonner leur propreté et leur brillance d'origine. Après nettoyage un détail apparaît : sur l'ancre, le nom du fabriquant est poinçonné : D. ODOBEY-CADET à MOREZ (JURA) et la date de fabrication 1893, nous avons affaire à Louis Delphin ODOBEY-CADET fabricant d'horlogerie mécanique monumentale à Morez de 1868 à 1914. C'est un renseignement intéressant, inconnu dans les archives où tout est traité entre la municipalité et l'horloger Henri Belanger.

             La renaissance commencée le 13 Novembre 2001 est achevée le 27 Décembre, donc après un travail, en solo, de 45 jours. Ce n'est pas un travail énorme. En plus ce n'est pas un travail compliqué. En voici la preuve. La tradition : Vers l'an 1660, à Morbier, un forgeron du nom de Claude Mayet, copia en fer, pour le couvent des Capucins de St Claude, une vieille pendule fabriquée en bois. Ainsi à débuté, en Franche-Comté, ce qui deviendra 2 siècles plus tard le 1er centre français de fabrication de pendules d'édifices. Voila pourquoi les pendules de notre secteur sont toutes du Jura et principalement de Morbier ou Morez. 15 ans après, en 1675, ce même Claude Mayet créa un modèle réduit de la pendule d'édifice "la Comtoise", qui est donc la petite sœur, issue du même père, avec le même ADN. Bien sur, la grande sœur est plus "en chair", moins "top modèle" mais elles sont semblables, sur le même principe, aussi faciles à rénover l'une que l'autre. Avis aux amateurs ... il reste partout des pendules d'édifices à rénover.

 Il a fallu attendre le 04 Novembre 2003 soit 23 mois plus tard pour que notre pendule réintègre l'église St Paul de Clermont l'Hérault, non plus dans son clocher mais dans la Chapelle St Roch.

Le balancier est positionné, le câble acier a été remplacé par quelques tours de corde polyamide. Après rénovation la partie horaire fonctionne parfaitement avec un contrepoids de 14,4 kg. Sur le chevalet, la course désormais utile de 75 cm permet 16 h de fonctionnement.

Pour la partie sonnerie, un seul des 11 disques en fonte de 23,4 kg suffit à actionner les rouages. La sonnerie est neutralisée, mais la possibilité d'une démonstration demeure.

Cette vieille dame aujourd'hui âgée de 115 ans, toujours jeune et coquette, est apte à reprendre 1 siècle de service … mais comme toute vieille dame qui craint la solitude, elle aimerait être vue journellement, exposant et opposant sa "marche" tranquille à l'agitation du public.

Je me suis attaché à elle, je lui souhaite une retraite paisible et beaucoup de jours heureux, ainsi qu'à vous, Mesdames Messieurs, pour vous remercier de votre attention. Maintenant je suis à votre disposition pour répondre à vos questions.

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